Ben je vais remettre mon comm ici alors, puisqu'un Topic lui est destiné...
C'est l'avis que j'ai mis chez Jeremy, après sa critique négative envers le film...
Voici donc:
"Signes", ou la finesse dans un monde de brut...
Le milieu du cinéma fantastique est souvent brutal, parce qu'il a comme vocation, la peur, ou l'envie de terroriser le spectateur.
De ce fait, le fantastique fait naître en nous un sentiment de malaise, le plus souvent. Parce que la musique, l'environnement, ou l'histoire, sont conditionés pour la crainte.
Shyamalan, fonctionne un peu différemment, parce qu'il n'évoque rien d'extraordinaire au final, il prend comme toile de fond, la banalité, le quotidien d'une famille X, dans un pays, lui même paradoxalement, plongé dans le doute permanent.
Le cinéaste, construit son récit à partir de petits éléments, qui viennent s'entremêlés les uns aux autres, formant ainsi cette peur.
La peur dans "Signes" ne vient pas de l'action, mais de la finalité qu'elle peut engendrer.
Là se trouve toute l'ingéniosité du cinéaste, puisqu'un film d'horreur, ou un film fantastique, trouve de l'interêt, la plupart du temps, dans son chronologisme. C'est à dire dans le présent de l'action.
Un film fantastique fait peur, au moment ou l'action se passe, on ne pense ni à l'avant, ni à l'après.
Tandis que dans tous les films de Shyamalan, il s'agit d'une crainte naturelle, stimulée par l'enchevêtrement des actions, par un assemblage d'anectodes, ou de subtilités.
Par exemple, la récurrence des verres d'eau, de la jeune fille, c'est une forme de crainte réelle, et non pas fictive ou d'ordre fantômatique.
On sent que le cinéaste insiste sur cet élément, comme pour perturber le spectateur, en l'invitant à réflechir.
On se demande ce qui peut se passer avec ce verre d'eau.
On le comprend à la fin, et on en reste baba.
De même, l'asthme du jeune garçon, vient perturber le cheminement fantastico-fantastique, puisqu'il remet le film dans un contexte naturel, quotidien.
De plus, l'apparition de l'étranger, ne reste que très vaguement le point central du film, puisque l'on est davantage orienté vers le déséquilibre familial.
J'ai cru comprendre aussi, que l'idéologie religieuse du film, est un frein à sa qualité selon toi.
Je pense que tu n'as peut être pas bien cerné la sous jacence de ce message.
En réalité, le cinéaste se moque de la propagande de foi, il piège une nouvelle fois le spectateur, en l'amenant à penser à cela, alors qu'en réalité, le message est clair.
C'est la stigmatisation qui est mise en avant, la peur des médias, l'influence de la société.
Le journal télé qui diffuse les images à l'écran, la famille réunie autour d'elle, le chapeau métallique sur la tête, une métaphore évidente de l'ébêtement collectif.
On devine que la manipulation médiatique ou collective, dans une ville comme ça, permet d'attirer de nouveaux habitants, à penser comme l'Etat, et dans une moindre mesure, à le rejoindre sur une seule et même unité de pensée.
Pour moi, le film penche davantage vers le drame social, ou le malaise collectif, l'évidente difficulté de compréhension, dans un pays meurtri par l'indifférence et la stigmatisation de la peur, que vers le film fantastique, rébarbatif, censé amener la peur quand on l'attend.
Parce que la bêtise du fantastique vient aussi de cela, de faire naître en nous une peur que l'on devine d'avance.
Ici, Shyamalan, prend à contre pied, l'ensemble de son spectacle, puisqu'il ne fait jamais réellement peur par ce qu'il crée, mais plus par ce qu'il renvoit comme image du monde et de l'endoctrinement social.
Je ne comprends donc pas l'envie qui s'empare des gens, de le comparer à Sixième Sens, ou Incassable, alors que Shyamalan n'a de cesse de s'employer à redistribuer la crainte, à chaque fois différement, en fonction d'un fait social, ou d'une légende.
Dans "Incassable" il revisite le mythe du super-héro, le banalisant, le rendant humain, fragile, avant d'être héroique.
Dans "The Village" il se moque du film d'horreur, ou des légendes qui créent ce type de film, puisqu'il distille la peur, et la crée, alors qu'il ne se passe rien.
Il se moque des gens, de la société qui stimule cette crainte de tout, et signe un chef d'oeuvre de subtilité et d'originalité.
Les gens ont peur de Shyamalan, parce qu'il revisite enfin les clés de ce genre, voué à l'échec sur un long terme.
Il permet une approche plus orientée vers le film d'auteur que vers le film grand spectacle.
C'est comme si David Lynch ou se mettait au film d'horreur. Sans doute qu'il revisiterait la chose, la rendant complexe et différente, mais incompréhensible du grand public.
Shyamalan, c'est le maître de l'imaginaire, mais c'est surtout, un vrai magicien, capable de faire peur avec rien, ou si peu, parce qu'il ne crée pas la crainte à partir d'un thème ou d'une histoire de tueurs en série ou autres, mais parce qu'il se sert du quotidien des gens, le vôtre, le mien, le nôtre...
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