Bon, je me dois donc d'intervenir, en ne remettant absolument pas en cause ce que tu viens de dire.
J'aime Kubrick, et Haneke, donc le débat ne se concentrera que sur Ki-Duk, et accessoirement, sur les cinéastes du même type.
J'ai totalement compris ton point de vue, sur Battle Royale, notamment, chose que je n'ai pas été capable de faire il y'a deux ans, lorsque l'on a commencé à discuter ciné.
Comme je l'ai précisé chez Tim, je pense qu'il s'agit plus d'une manière d'appréhender le cinéma de ce maitre de l'ombre, que d'un vrai regard sur son oeuvre posthume. Les allusions fascistes que tu as pu y avoir, je ne les avait pas vu à l'époque, mais depuis, j'ai médité là dessus, et je pense comme toi, sauf, que j'adore toujours autant ce film, parce qu'il cache de nombreux messages bien plus profonds qu'on le croit, à l'image du reste de sa filmographie, qui a toujours prôné l'indifférence d'un état envers son peuple, et la forte pression exercée sur les enfants, dès leur naissance, qui doivent suivre une destinée faite d'impasses et de cruauté, conduisant souvent au suicide, pas étonnant donc, que ce soit le pays au plus fort taux de suicide au monde.
Mais pour en revenir à notre sujet, je vais commenter l'univers de Ki-Duk, qui bien sûr, ne cache pas son goût de la violence.
Tu prends l'exemple du poisson qui nage, en étant découpé, et je dis, que tu as choisi l'exemple parfait, car il s'agit ni plus ni moins d'une vieille coutume coréenne, pour se laver de ses pêchés, Ki-Duk y dévelloppe donc tout son art, en s'inspirant simplement d'une méthode ancestrale. Beaucoup l'ignorent, et pourtant, rares sont les livres qui explique cela, à vrai dire, c'est une amie (coréenne) qui m'a permis de comprendre cela.
A l'instar de "L'arc" qui lui aussi regorge de symboles, propres à la culture asiatique, coréenne notamment. Comment reprocher à un metteur en scène de parler de la violence, que le pays lui même, dans sa culture et ses coutumes, représente en tête d'affiche?
Mais bon, passons, après tout, il pourrait en parler différemment, mais cela ferait perdre le charme délicatement violent qui entoure le cinéma de Ki-Duk.
Je ne suis donc pas d'accord concernant le côté voyeuriste de ce metteur.
Il y'a de multiples façons de voir la violence au cinéma, en distance comme Haneke ou Kubrick, c'est sur, mais aussi en symboles, comme Ki-Duk, ou Wook. Qui au passage, sont tous les deux coréens...
Ensuite, je n'arrive pas à comprendre la relation trop évidente que l'on assimile à la violence et au voyeurisme, à quel moment peut on se permettre de dire que telle violence est voyeuriste, l'autre, non.
Je crois que la notion de distanciation, n'est pas la même pour tous, parce que la réception de celle-ci, se fera différement en fonction du sujet qu'elle touche.
Chaque spectateur, est touché de différentes façons, par un thème, par une image, une séquence.
Ainsi, la violence, entre forcément dans cette différence.
Je ne pense pas qu'on puisse réellement, en restant objectif, comparer Haneke à Ki-Duk dans le traitement qu'ils font de leur violence.
Ki-Duk, utilise la métaphore, il balance à l'écran, nombre d'images cruelles, souvent inspirées de vieilles méthodes religieuses, ou de légendes.
Mais outre cela, il parvient à démontrer, avec un certain pessimisme, je l'accorde, le malaise de tout un pays, et même plus, de toute une culture, jusque dans la mort, et la croyance qui l'entoure.
Haneke, lui entre plus dans les relations décadentes qui regroupe les hommes. On le voit dans Funny Games, ou s'est tout une famille qui sombre, et il n'hésite pas à faire tuer l'enfant, pour fragiliser encore plus un couple, déjà dans le gouffre le plus profond.
Il le fait sous forme de jeu, avec un certain cynisme, que j'adore énormément, car cela me rappelle effectivement Orange mécanique.
Mais je suis désolé de le dire, ça n'a absolument rien à voir avec ce que propose Ki-Duk ou Park Chan Wook.
Autant Haneke et Kubrick parlent de la société, des problèmes qui y sont liés, et des relations entre les hommes, autant Wook et Ki-Duk parlent de l'immoralité d'une culture, de la femme et son désir d'être égal à l'homme, jusque dans la violence.
Lady Vengeance, en est le parfait exemple, dans Sympathy for Mister Vengeance aussi, la femme joue un rôle cruel, qui la met à l'égal de l'homme, dans l'Ile aussi, ou dans Samaria, ou encore dans L'Arc.
Si la violence de Ki-Duk parait si voyeuriste, c'est parce qu'elle touche pile là ou l'on refuse de la voir. On se déconnecte de ses films parce que l'on pense que ce qu'il montre est barbare. Mais la violence, dans une moindre mesure n'est elle pas barbare? Même si on refuse de la montrer, elle est bien là.
Alors, voyeurisme n'a plus beaucoup de valeur au cinéma je pense, tout voir ou tout montrer, est indéniablement lié, qu'on le montre, ou non.
Parce que la réflexion que la violence entraîne, est plus forte que son exercice.
Funny Games, avec le recul, fait aussi mal que L'Ile, sauf que l'Ile, le montre dans l'instant, refusant l'évitement, en privilégiant la symbolique.
Je pense qu'il faut savoir aimé les deux types de violences cinématographiques, pour peu que l'on y voit deux approches à chaque fois différentes.
Ki-Duk instaure une ambiance de malaise, des grandes fresques tragiques, comme des peintures morbides.
Kubrick, préfère le cynisme, l'humour noir, en évitant la barbarie visuelle, mais la conséquence de cette violence, est au final, exactement la même.
Alors je peux comprendre que l'on préfère l'une ou l'autre approche de cette violence, mais du moment qu'on évite l'information télévisée, ou le reportage déplacé, je crois que de toute façon, on est en plein dans la distance.
Une dernière petite apparté, concernant Miike, autre cinéaste qui utilise la violence.
Tu l'assimiles à Ki-Duk, mais il lui est totalement différent, parce qu'il utilise une troisième violence cinématographique, qui n'a rien à voir avec celle d'Haneke, ou de Ki-Duk.
Il ridiculise la violence, il l'exacerbe volontairement, en étant bien plus distant qu'on le croit.
En fait, pour lui, la violence est ridicule, et il utilise ce ridicule, contre la violence.
En éclatant un chien contre une vitre, il ne violente pas le chien, mais le specateur, en lui disant ironiquement, de toute façon ce chien est moche, et il ne sert à rien.
Il crée un univers bien à lui, fait d'absurde et d'ironie.
Ce n'est pas du cynisme, ce n'est pas non plus de l'humour noir, c'est juste de l'humour trash, rien de plus.
Gozu en est l'exemple, comme Visitor Q, qui lui est plus démesuré que violent. Un père qui découpe sa fille pour lui faire l'amour, c'est d'une, complètement immoral, mais de deux, complètement absurde, et donc drôle, car irréel.
Dans Dead or Alive aussi, ou un mec qui s'arrache un bras, pour sortir un bazzoka de derrière son dos, parait tellement normal, que cela en devient ridicule, et forcément drôle.
D'ailleurs, cela me rappelle aussi une scène de Battle Royale, ou Kitano, après avoir été tué, décroche son téléphone portable, pour remourir ensuite.
Absurde, comme il faut, bien placé, rien à redire.
Bon c'était juste une petite parenthèse à ma démarche Miikeiste.
Donc Miike violent? oui, mais tellement peu probable, que cela en devient grotesque. Peut on donc l'assimiler à Kubrick ou Ki-Duk, absolument pas....