Réflexion

22-01-2006 à 22:51:57
Pour ceux qui veulent jeter ici quelques réflexions cinématographiques...




Pour moi, ce qui compte le plus dans la relation sur les blogs, c'est non pas de savoir qui aime quoi, mais plutôt de comprendre quelles sont les aspirations et les attentes de quelqu'un par rappport au cinéma. Quand l'argumentation est bien menée, se dessine alors un personnage aux couleurs particulières que l'on reconnaît facilement dans ses caractéristiques propres.

Alors voici mes attentes par rapport à un cinéaste :


- De l'authenticité, quelque de chose d'important que l'artiste possède en lui et qu'il réussit à remettre d'une façon ou d'une autre dans sa créativité cinématographique.

- De la liberté, avec une envie de ne jamais entrer dans un quelconque stéréotype, formatage, etc.

- De la construction, avec l'obligation de jouer à plein sur le code narratif cinématographique et sur la mise en scène. Il faut une maîtrise parfaite de la grammaire cinématographique avant de vouloir faire un film. C'est un peu comme si on voulait écrire un livre sans connaître les principes du passé simple, pas possible....

- De la distanciation, avec un regard sur le travail que l'on fait, avec la notion de recul qui est très importante chez un créateur. L'humour par exemple, est une bonne illustration de ce que peut être la distanciation chez un cinéaste. Ne pas coller au réel, mais plutôt s'en servir pour mieux s'en distancier. Exemple en peinture : Van Gogh qui peint la réalité avec sa propre distanciation artistique.

Et vous, quelles sont vos attentes par rapport à un cinéaste ou un film ?
  • Liens sponsorisés



21-01-2006 à 12:25:15
Très bonne idée ce topic, cela va permettre à chacun d'expliquer ses motivations et ses attentes dans ce monde cinématographique.
Pour ma part, voici mes attentes:

Originalité: J'aime le cinéma atypique, qui ne ressemble pas à celui de son voisin, un cinéma conceptuel, qui cherche les idées, et qui les mets en valeur.

Créativité: J'aime les artistes qui créent, qui vont au delà de l'évidence cinématographique, les cinéastes qui se remmettent en question à chaques films, en explorant différentes possibilités: Exemple, Vont Trier, ou Van Sant.

Esthétisme: J'aime le cinéma visuel, dans lequel la photo exprime des émotions, des sensations, des états.
J'aime la picturalité cinématographique, l'utilisation des couleurs, ou du noir et blanc, à chaque fois dans un certain but.
Exemples: Kubrick, ou Kar Wai.

Authenticité: De la liberté artistique en passant par la conception, il faut un artiste capable de construire une histoire à partir d'une idée qui lui est propre. C'est pourquoi j'aime le cinéma d'auteur, pour son authentisme.

Simplicité: Nul besoin d'effets spéciaux, pour faire un bon film, être capable de rendre magnifique, quelque chose de simple, est l'un des points les plus importants au cinéma selon moi, le minimalisme scénaristique, s'il est bien construit, peut donner bien plus qu'un chef d'oeuvre.

Du Lyrisme: Même dans la violence, j'aime la poésie qu'un artiste peut utiliser, exemple avec Kitano, Wook ou Ki-Duk, qui sont des cinéastes qui jouent sur la profondeur et le recul entre la cruauté d'une histoire, et la beauté des images.
Un artiste qui jongle avec ses deux paradoxes, pour moi, est un grand génie, à condition de ne pas entrer dans la débauche de violence gratuite, en restant maître de son sujet et sa thématique.

Distanciation: Bien sur, cela va avec, bien qu'il n'y en ait pas dans le cinéma réaliste, la plupart du temps, et que j'aime ce cinéma. Disons que si l'artiste conjugue tout ce que j'ai mis avant avec ce dernier point, il s'agira d'un chef d'oeuvre.
Le recul est vital au cinéma, parce qu'il permet de ne pas se tromper dans ce que l'on veut dire.
Je l'utilise moi même, lorsque j'écris une critique, donc j'aime bien le voir aussi dans les oeuvres que je regarde...

Merci pour ce topic, je me suis bien amusé! :)
21-01-2006 à 12:26:29
Je suis globalement d'accord avec ce que tu dis mais je rajouterais à ces attentes une chose que tu ne cites pas c'est le plaisir du spectateur. Peut on dire que Les bronzés est un grand travail de cinéma ? Non ! Mais en tant que spectateur j'adore.

21-01-2006 à 12:36:58
Justement Jeremy, c'est ce qui est demandé ici... Quelle est ton attente en tant que spectateur ? De plus, je pense que la comédie peut contenir tous les points auxquels j'aspire.

Exemple :

La plupart des comédies de Philippe De Broca ("L'incorrigible", "L'homme de Rio", etc.)

Docteur Folamour de Kubrick

Le jouet de Francis Veber

Les comédies écrites par Audiard.

Et il existe encore des tonnes d'exemples.

ed

21-01-2006 à 12:45:48
Et ben en 3 messages vous avez presque tout dit je crois ! Enfin la je vois rien à rajouter...Je suis entièrement avec vous 3 , j'aurai tout de même plus penser aux criteres énoncés par Mike et par Jerem plutot que les tiens Chris.
Si je devais en retenir qu'un de Mike ce serait le lyrisme je crois ,seulement quand il est bien "maitrisé" chose jamais facile .
Et le plaisir du spectateur évoqué par Jerem aussi , il faut avant tout prendre du plaisir en regardant un film , et même si un film comme Coup de foudre à Notting Hill est loin du chef d'oeuvre , il est tellement simple , que je le regarderai toujours avec plaisir !
21-01-2006 à 13:03:21
Pour Mike :

"à condition de ne pas entrer dans la débauche de violence gratuite, en restant maître de son sujet et sa thématique".

Je dois avouer qu'à l'heure actuelle, je n'ai pas encore compris ça chez toi. C'est un des problèmes que j'ai souvent avec ton point de vue.

exemple :

Battle Royale : Ce film fait partie de notre histoire commune, et j'en suis très fier !!!!!!

L'île : Pour moi, manque de distanciation et voyeurisme sur la violence.

"Old boy" : idem

"Audition" : Idem


Voilà une thématique, "violence/voyeurisme au cinéma", qui à mon avis, va encore nous diviser dans le futur. Pour moi il existe une énorme différence entre "Orange mécanique" ou "Funny games", et les films cités ci-dessus. Mais je sais aussi qu'il y a là un débat très subtil et difficile à mener. Tout est dans la nuance.






21-01-2006 à 13:12:27
La violence gratuite peut permettre une reflexion passionante comme dans Orange mecanique ou Fight club ou bien donner lieu à un esthetisme sublime comme dans Kill Bill

22-01-2006 à 04:05:52
Bah je suis à la fois d'accord avec toi Chris, et en même temps pas du tout.
Je reviendrai dessus demain, car lmà, suis un peu fatigué. Je vais essayer de m'exprimer convenablement.
Pour Battle Royale, je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie, on sait, toi et moi, ce que chacun en pense, inutile de jouer donc avec ça, je vénère Fukasaku, toi tu n'a rien vu de lui quasiment, pour moi, il ne peut donc pas y avaoir de débat.
J'aurai tendance à dire pareil pour Ki-Duk, mais j'ignore ce que tu as vu de lui.
Mais comme tu prends l'exemple de "L'ile" je vais te suivre, et je vais parler de ce film demain, pour tenter de contre argumenter, à la Bastien, en sa faveur. :)
22-01-2006 à 11:17:43
Bin, la violence peut ammener au voyeurisme qui peut ammener à la réflexion.


"Depuis 30 ans je me tourmente autour de la même question :

Le Cinéma est-il plus important que la vie ?
"

[François Truffaut]

http://critiquescinema.canalblog.com
:)
22-01-2006 à 11:47:57
C'est bien si cette réflexion pouvait évoluer entre nous tous car il s'agit là d'un thème (voyeurisme/violence) très important, à mon avis.

Quelle est le traitement de la violence/voyeurisme au cinéma ?

Pour donner un parallèle, je préfère voir une femme qui se déshabille plutôt qu'une femme nue sur l'écran. Il s'agit de la suggestion. Il en va de même pour la violence ou le voyeurisme.

Mike, je ne pense qu'il faille connaître la filmo de Kim Ki-duk pour observer le traitement de la violence de son film. Faut-il connaître la filmo de Ted Kotcheff pour analyser le traitement de la violence sur "Rambo" ? Celle de Enrico pour "Le vieux fusil" ? Celle de Boorman pour "Délivrance" ? Je ne pense pas...

Et c'est là que Kubrick ou Haneke ont fait très fort, car ils ont suggéré une analyse sur la violence/voyeurisme

Par exemple sur l'île :

- Etait-ce bien nécessaire de voir un poisson découpé, nager dans l'eau ?

- Etait-ce bien nécessaire de voir la scène des hameçons dans la gorge ?

N'y avait-il pas moyen de suggérer ces situations sans les montrer crûement ?

Chez Kubrick et Haneke, ils utilsent des techniques de distanciation (ex: "I'm singing in the rain" pendant le viol) tout en arrivant au même choc émotionnel sur le spectateur.

Pour moi, Kim Ki-Duk ou Takashi Miike se laisse aller à la facilité, en montrant sans distance, des images violentes. D'ailleurs, Kim Ki-Duk semble avoir lourdement évolué sur ce sujet....... Un dernier exemple avec "L'anguille" ou la violence est magnifiquement suggérée par le sang sur la caméra, donc en distanciation.

Moi, ce qui me gêne, c'est que tu mettes tous ces créateurs dans le panier. C'est là que j'ai problème. Maintenant, je ne demande qu'à essayer de comprendre...
22-01-2006 à 13:07:01
Bon, je me dois donc d'intervenir, en ne remettant absolument pas en cause ce que tu viens de dire.
J'aime Kubrick, et Haneke, donc le débat ne se concentrera que sur Ki-Duk, et accessoirement, sur les cinéastes du même type.

J'ai totalement compris ton point de vue, sur Battle Royale, notamment, chose que je n'ai pas été capable de faire il y'a deux ans, lorsque l'on a commencé à discuter ciné.
Comme je l'ai précisé chez Tim, je pense qu'il s'agit plus d'une manière d'appréhender le cinéma de ce maitre de l'ombre, que d'un vrai regard sur son oeuvre posthume. Les allusions fascistes que tu as pu y avoir, je ne les avait pas vu à l'époque, mais depuis, j'ai médité là dessus, et je pense comme toi, sauf, que j'adore toujours autant ce film, parce qu'il cache de nombreux messages bien plus profonds qu'on le croit, à l'image du reste de sa filmographie, qui a toujours prôné l'indifférence d'un état envers son peuple, et la forte pression exercée sur les enfants, dès leur naissance, qui doivent suivre une destinée faite d'impasses et de cruauté, conduisant souvent au suicide, pas étonnant donc, que ce soit le pays au plus fort taux de suicide au monde.

Mais pour en revenir à notre sujet, je vais commenter l'univers de Ki-Duk, qui bien sûr, ne cache pas son goût de la violence.
Tu prends l'exemple du poisson qui nage, en étant découpé, et je dis, que tu as choisi l'exemple parfait, car il s'agit ni plus ni moins d'une vieille coutume coréenne, pour se laver de ses pêchés, Ki-Duk y dévelloppe donc tout son art, en s'inspirant simplement d'une méthode ancestrale. Beaucoup l'ignorent, et pourtant, rares sont les livres qui explique cela, à vrai dire, c'est une amie (coréenne) qui m'a permis de comprendre cela.
A l'instar de "L'arc" qui lui aussi regorge de symboles, propres à la culture asiatique, coréenne notamment. Comment reprocher à un metteur en scène de parler de la violence, que le pays lui même, dans sa culture et ses coutumes, représente en tête d'affiche?
Mais bon, passons, après tout, il pourrait en parler différemment, mais cela ferait perdre le charme délicatement violent qui entoure le cinéma de Ki-Duk.
Je ne suis donc pas d'accord concernant le côté voyeuriste de ce metteur.

Il y'a de multiples façons de voir la violence au cinéma, en distance comme Haneke ou Kubrick, c'est sur, mais aussi en symboles, comme Ki-Duk, ou Wook. Qui au passage, sont tous les deux coréens...
Ensuite, je n'arrive pas à comprendre la relation trop évidente que l'on assimile à la violence et au voyeurisme, à quel moment peut on se permettre de dire que telle violence est voyeuriste, l'autre, non.
Je crois que la notion de distanciation, n'est pas la même pour tous, parce que la réception de celle-ci, se fera différement en fonction du sujet qu'elle touche.
Chaque spectateur, est touché de différentes façons, par un thème, par une image, une séquence.
Ainsi, la violence, entre forcément dans cette différence.
Je ne pense pas qu'on puisse réellement, en restant objectif, comparer Haneke à Ki-Duk dans le traitement qu'ils font de leur violence.
Ki-Duk, utilise la métaphore, il balance à l'écran, nombre d'images cruelles, souvent inspirées de vieilles méthodes religieuses, ou de légendes.
Mais outre cela, il parvient à démontrer, avec un certain pessimisme, je l'accorde, le malaise de tout un pays, et même plus, de toute une culture, jusque dans la mort, et la croyance qui l'entoure.
Haneke, lui entre plus dans les relations décadentes qui regroupe les hommes. On le voit dans Funny Games, ou s'est tout une famille qui sombre, et il n'hésite pas à faire tuer l'enfant, pour fragiliser encore plus un couple, déjà dans le gouffre le plus profond.
Il le fait sous forme de jeu, avec un certain cynisme, que j'adore énormément, car cela me rappelle effectivement Orange mécanique.

Mais je suis désolé de le dire, ça n'a absolument rien à voir avec ce que propose Ki-Duk ou Park Chan Wook.
Autant Haneke et Kubrick parlent de la société, des problèmes qui y sont liés, et des relations entre les hommes, autant Wook et Ki-Duk parlent de l'immoralité d'une culture, de la femme et son désir d'être égal à l'homme, jusque dans la violence.
Lady Vengeance, en est le parfait exemple, dans Sympathy for Mister Vengeance aussi, la femme joue un rôle cruel, qui la met à l'égal de l'homme, dans l'Ile aussi, ou dans Samaria, ou encore dans L'Arc.
Si la violence de Ki-Duk parait si voyeuriste, c'est parce qu'elle touche pile là ou l'on refuse de la voir. On se déconnecte de ses films parce que l'on pense que ce qu'il montre est barbare. Mais la violence, dans une moindre mesure n'est elle pas barbare? Même si on refuse de la montrer, elle est bien là.
Alors, voyeurisme n'a plus beaucoup de valeur au cinéma je pense, tout voir ou tout montrer, est indéniablement lié, qu'on le montre, ou non.
Parce que la réflexion que la violence entraîne, est plus forte que son exercice.
Funny Games, avec le recul, fait aussi mal que L'Ile, sauf que l'Ile, le montre dans l'instant, refusant l'évitement, en privilégiant la symbolique.
Je pense qu'il faut savoir aimé les deux types de violences cinématographiques, pour peu que l'on y voit deux approches à chaque fois différentes.
Ki-Duk instaure une ambiance de malaise, des grandes fresques tragiques, comme des peintures morbides.
Kubrick, préfère le cynisme, l'humour noir, en évitant la barbarie visuelle, mais la conséquence de cette violence, est au final, exactement la même.
Alors je peux comprendre que l'on préfère l'une ou l'autre approche de cette violence, mais du moment qu'on évite l'information télévisée, ou le reportage déplacé, je crois que de toute façon, on est en plein dans la distance.

Une dernière petite apparté, concernant Miike, autre cinéaste qui utilise la violence.
Tu l'assimiles à Ki-Duk, mais il lui est totalement différent, parce qu'il utilise une troisième violence cinématographique, qui n'a rien à voir avec celle d'Haneke, ou de Ki-Duk.
Il ridiculise la violence, il l'exacerbe volontairement, en étant bien plus distant qu'on le croit.
En fait, pour lui, la violence est ridicule, et il utilise ce ridicule, contre la violence.
En éclatant un chien contre une vitre, il ne violente pas le chien, mais le specateur, en lui disant ironiquement, de toute façon ce chien est moche, et il ne sert à rien.
Il crée un univers bien à lui, fait d'absurde et d'ironie.
Ce n'est pas du cynisme, ce n'est pas non plus de l'humour noir, c'est juste de l'humour trash, rien de plus.
Gozu en est l'exemple, comme Visitor Q, qui lui est plus démesuré que violent. Un père qui découpe sa fille pour lui faire l'amour, c'est d'une, complètement immoral, mais de deux, complètement absurde, et donc drôle, car irréel.
Dans Dead or Alive aussi, ou un mec qui s'arrache un bras, pour sortir un bazzoka de derrière son dos, parait tellement normal, que cela en devient ridicule, et forcément drôle.
D'ailleurs, cela me rappelle aussi une scène de Battle Royale, ou Kitano, après avoir été tué, décroche son téléphone portable, pour remourir ensuite.
Absurde, comme il faut, bien placé, rien à redire.
Bon c'était juste une petite parenthèse à ma démarche Miikeiste.
Donc Miike violent? oui, mais tellement peu probable, que cela en devient grotesque. Peut on donc l'assimiler à Kubrick ou Ki-Duk, absolument pas....



22-01-2006 à 15:04:48
D'abord et avant toute chose, un immense merci de bien vouloir débattre sur ces sujets difficiles. Vraiment, vraiment, du fond du coeur, je te remercie, car cet exercice d'échange de point de vue, dérape très souvent.

Alors, alors, alors....

"Mais pour en revenir à notre sujet, je vais commenter l'univers de Ki-Duk, qui bien sûr, ne cache pas son goût de la violence.
Tu prends l'exemple du poisson qui nage, en étant découpé, et je dis, que tu as choisi l'exemple parfait, car il s'agit ni plus ni moins d'une vieille coutume coréenne, pour se laver de ses pêchés, Ki-Duk y dévelloppe donc tout son art, en s'inspirant simplement d'une méthode ancestrale. Beaucoup l'ignorent, et pourtant, rares sont les livres qui explique cela, à vrai dire, c'est une amie (coréenne) qui m'a permis de comprendre cela
".

Merci pour ces renseignements que je ne connaissais pas.


"Comment reprocher à un metteur en scène de parler de la violence"

Je ne lui reproche pas de vouloir en parler mais la façon dont il le montre. L'image est universelle et doit se comprendre de la même façon partout et par tout le monde. C'est le problème de Greennaway qui ne réussit à parler qu'à une catégorie de gens qui possède la science infuse. Un grand cinéaste doit, selon moi, communiquer avec tout le monde avec un code narratif commun à tous. Tous les grands cinéastes ont réussi ce travail, de Chaplin à Lynch, en passant par Kubrick.

"Je crois que la notion de distanciation, n'est pas la même pour tous, parce que la réception de celle-ci, se fera différement en fonction du sujet qu'elle touche".

Là-dessus, je ne suis absolument pas d'accord avec toi. La notion de distanciation au cinéma est définie. Je te renvoies à toutes les analyses cinématographiques qui existent dans le monde qui démontrent ce qu'est une distanciation.

Conclusion : cette dernière remarque me fait comprendre l'endroit où il existe une faille entre ta perception et la mienne. Et oui, la violence cinématographique de Kubrick et de Kim Ki-Duk peuventt être comparées. Tout peut être comparé dans l'analyse cinématographique, absolument tout. Il suffit de s'en tenir à des critères objectifs d'analyse cinématographique. C'est d'ailleurs dans cette perspective d'analyse que la communication peut s'enrichir entre deux avis qui diffèrent. L'analyse est la construction de sa propre liberté de point de vue. Sans cette analyse, c'est le chaos, la jungle, le non débat. Je te renvoies d'ailleurs aux superbes analyses en image que tu as créées sur ton blog. En tout cas Mike, un grand merci pour ta générosité dans le débat...même quand je ne suis pas d'accord avec toi.




22-01-2006 à 15:06:22
Débat passionant mais je n'ai pas les cartes en main pour y participer.

22-01-2006 à 15:08:49
Moi non je n'ai pas les cartes en main , mais c tjs un réel plaisir de vous lire Chris et Mike :)

Argane
22-01-2006 à 15:09:55
Merci Argane
22-01-2006 à 16:29:23
Chris, Mike, voilà un débat très intéressant. Ne pourrait-on pas extrapoler s'appuyant sur la distinction entre la raison et l'émotion pour définir la distanciation ?

La raison a deux caractéristiques principalement : elle est l'expression d'une liberté et elle laisse le débat possible.

Elle est l'expression d'une liberté parce qu'il faut activement vouloir analyser une situation, un film, pour en tirer des éléments idéalement objectifs. Analyser un film, dénoter et connoter des images, n'est jamais automatique. C'est un travail. La raison est un outil (plus ou moins aiguisé selon les personnes), qu'on choisit ou non d'utiliser.

La raison laisse le débat possible parce qu'elle produit des phrases du type "voilà ce qu'il y a dans le film" pour ce qui concerne le cinéma. L'autre peut donc répondre "c'est juste" ou "ce n'est pas juste", "je suis d'accord avec ce que tu dis" ou "je ne suis pas d'accord avec ce que tu dis".

A l'inverse, l'émotion est la réponse automatique à un stimulus extérieur et ferme le débat.

L'émotion est un processus automatique : un stimuli extérieur influe sur mes capteurs sensoriels, qui émettent un signal qui va au cerveau qui renvoie une réponse aux capteurs, qui traduisent cette réponse en un sentiment ou un geste. Je vois un homme en torturer un autre dans un film, c'est plus fort que moi, l'adrénaline monte. Je n'ai aucune liberté de ressentir ou non cela. C'est la première différence entre l'émotion et la raison.

Par ailleurs, l'émotion est propre à chacun. Quand l'adrénaline monte devant l'image de l'homme qui en torture un autre, les paumes de mes mains s'humidifient. Un autre spectateur aura une boule dans le ventre, un troisième suera au niveau du cou, un quatrième aura la gorge serrée et un dernier, le psychopathe, ne ressentira rien du tout... Parce que les stimuli qui nous font réagir sont propres à chacun et parce que les réactions à ces stimuli sont propres à chacun. Par conséquent, l'émotion va produire des phrases telles que "j'aime" ou "je n'aime pas". Le débat est impossible car confronté à cette affirmation, l'autre n'a qu'une réponse civilisée possible, c'est "chacun ses goûts". Le débat est fermé.

Et la distanciation dans tout ça ?

La distanciation serait une sorte de technique essentielle pour faire passer dans le domaine de la raison ce qui aurait pu être restreint à la stimulation des sens.

Si je vois un homme torturer un autre, immanquablement l'adrénaline monte et je suis prisonnier de mes sens. Si au contraire le cinéaste a choisi dans son mode d'expression des "filtres" qui font que je peux regarder l'image sans être "atteint", sans être touché directement au niveau de mes sens, il m'aura laissé ma liberté. Il m'aura laissé libre de réfléchir sur son travail, libre d'analyser son oeuvre. Il m'aura permis également de discuter de son film avec un autre.

Et c'est pour cela, je crois, qu'on peut dire que la distanciation est un des paramètres essentiels à la qualité d'un film. Elle offre au spectateur sa liberté.
  • Liens sponsorisés